L’épopée d’Hexadrone : du garage au Tundra
Nous avons profité de la sortie du premier drone modulaire français, le Tundra, pour interviewer Alexandre Labesse, fondateur d’Hexadrone. Autodidacte, passionné de modélisme, de photographie et de vidéo depuis son enfance, Alexandre nous raconte la success story de son entreprise, basée en Haute-Loire.
Comment avez-vous commencé cette aventure à une époque où les drones étaient encore méconnus ?
Vers 2008-2009, j’ai commencé à embarquer des caméras sur mes hélicoptères radio-commandés. Petit à petit, je me suis mis à assembler mes propres drones avec des éléments du commerce comme des tubes que je trouvais chez Leroy-Merlin. J’ai ensuite vendu mon premier drone d’occasion sur Internet, et c’est là que tout à vraiment commencé !
L’acheteur était une société audiovisuelle basée à Paris qui, déjà à l’époque, avait senti le potentiel du drone. Toutefois il s’est rapidement rendu compte que la machine était un peu plus complexe que prévu à piloter (à l’époque c’était du full manuel).
Et c’est comme cela que du jour au lendemain, je me suis retrouvé aux 4 coins du monde pendant mes congés payés et mes RTT. J’ai travaillé sur un certain nombre de tournages : du Maroc à l’Islande en passant par le Cambodge, j’ai pu survoler des monuments extraordinaires comme Angkor Vat, des baleines, des paysages grandioses…
En 2014, j’ai décidé de vivre de ma passion : j’ai quitté mon travail pour fonder Hexadrone.
Et à l’image de nombre de success stories… tout a commencé dans un garage ?
Exactement !
J’avais aménagé la moitié de mon garage pour assembler des machines ad-hoc, sur-mesure, en suivant le cahier des charges établi par mes clients. C’est cette activité d’assemblage qui me plaisait le plus. En parallèle, mon activité consistait aussi à mettre à profit mon expérience du terrain en dispensant des formations individuelles.
L’arrivée de DJI n’a-t’elle pas complexifié la donne ?
A l’origine nous n’étions qu’une poignée à faire de l’assemblage de drone. Il s’agissait encore d’une niche réservée aux amateurs passionnés. L’arrivée de DJI a permis de démocratiser le marché du drone et de l’ouvrir au grand public. Si le marché est aussi étendu aujourd’hui, c’est en partie grâce à DJI, il faut l’avouer.
Avec des produits de bonne qualité à des prix de plus en plus abordables, la demande s’est envolée, ce qui m’a donné l’idée de lancer une boutique en ligne. Au début, elle référençait surtout des machines DJI et leurs accessoires ainsi qu’une vingtaine de produits que j’avais l’habitude d’utiliser pour monter les drones.
Au même moment j’ai sorti un des premiers drones français de moins de quatre kilos (le HDS3). Embarquant une nacelle et une caméra, il était homologué pour le S2 et le S3 permettant aux professionnels de l’utiliser pour toutes leurs missions. C’est à cette période que les choses se sont vraiment accélérées pour Hexadrone.
Depuis, la boutique en ligne s’est largement enrichie !
Complètement ! Aujourd’hui, notre Shop Hexadrone.fr regroupe plus de 3000 références.
Outre les grandes marques de drones RTF, nous proposons principalement de nombreux produits OEM (Original Equipment Manufacturer – fabriquant d’équipements d’origine).
Pour certains, nous avons même une quasi-exclusivité de distribution sur le territoire. Nos techniciens spécialisés proposent leur expertise aux clients pour les guider dans leurs choix.
Nous faisons aussi du sourcing pour le compte de grands groupes ; ils nous envoient des listes de matériels dont des références que nous n’avons pas au catalogue et nous nous chargeons de leur fournir l’ensemble des produits demandés.
Vous disposez également d’un bureau d’études, afin de répondre aux demandes spécifiques ?
En effet, d’abord créé pour des besoins internes, notre bureau d’étude met aussi à la disposition de nos clients ses compétences en mécatronique, électronique et mécanique pour le développement de hardware et de software. Parmi nos clients, nous comptons de grands donneurs d’ordre ou encore des organismes gouvernementaux particulièrement exigeants pour lesquels nous développons des solutions complètes ou des briques technologiques spécifiques. Nous faisons environ 50% de notre CA avec le monde de la Défense.
Au fil des années, nous avons eu de nombreuses demandes émanant de professionnels qui souhaitaient adapter une machine à leurs besoins. Or l’intégration spécifique est extrêmement chronophage. Nous nous sommes rapidement rendu compte que sur le marché du drone, c’est à l’usager de s’adapter à sa machine. C’est pour en finir avec le concept « un drone – un usage » que nous avons réfléchi au développement de notre propre vecteur.
C’est comme ça que l’idée du Tundra est née ?
Oui, nous avons vite remarqué que le marché du drone, comme tous les marchés liés à la technologie en général, évoluait très rapidement. Cette évolution constante entraîne malheureusement l’obsolescence précipitée des produits propriétaires, qui constituent la majeure partie du marché. Outre la frustration des utilisateurs, cette obsolescence représente un coût important, à la fois pécuniaire et environnemental !
Alors en 2018 nous avons retroussé nos manches pour créer un prototype de drone modulable, qui permettrait d’apporter une réponse durable à ces problématiques et qui remporta d’ailleurs le prestigieux Red Dot Design Award. Habituellement décerné aux géants de l’industrie, ce prix a mis en lumière Hexadrone et le TUNDRA.
Nous avons pensé cette machine pour qu’elle puisse répondre aux évolutions du marché et aux besoins changeant des utilisateurs. Avec des bras interchangeables pour que le drone puisse effectuer divers types de missions tout en répondant aux scénarios imposés par la législation française, des interfaces standard permettant aux intégrateurs d’ajouter des accessoires et autres capteurs pour personnaliser le drone aux plus près de leurs besoins.
Il y a quelques jours, vous avez dévoilé le Tundra. Vous devenez un constructeur de drones à part entière !
Oui, c’est l’aboutissement d’années de travail ! Le Tundra dévoilé le 30 avril dernier est une amélioration de la version bêta de 2020 : durci, plus performant, industriel, il s’agit du premier drone série d’Hexadrone !
Pour y parvenir, nous avons établi une gamme de montage précise et claire qui assure une production en série, tout en permettant une excellente traçabilité.
Ce qui différencie vraiment le Tundra des autres drones actuellement sur le marché c’est sa modularité. Non seulement le transport est largement facilité, mais une fois sur site il suffit à l’utilisateur d’emboîter les trains d’atterrissage et de visser les bras ; tout ça prend moins d’une minute montre en main !
L’un des objectifs majeur du Tundra est aussi la lutte contre l’obsolescence. Il a été pensé comme un hub de développement sur lequel les intégrateurs pourront ajouter toutes sortes d’accessoires et capteurs déjà présents sur le marché, ou développer les leurs. Pour cela ils peuvent s’appuyer sur plusieurs types d’interfaces réparties sur chaque face du drone. L’accès à l’électronique du drone a aussi été laissée libre, permettant par exemple de changer aisément de stack électronique ou d’ajouter un companion computer.
Dans la logique d’open innovation qu’est la notre, il est aussi prévu de rendre disponible les empreintes 3D des interfaces standards du Tundra pour faciliter le développement de modules par les intégrateurs. A terme, l’idée est de créer un véritable écosystème autour du Tundra et d’intégrer à notre catalogue les accessoires développés par nos clients pour le drone. Nous jouerons ainsi le rôle d’une marketplace et d’un liant à technologie.
Le Tundra est surtout destiné aux intégrateurs ?
Principalement oui, les intégrateurs représentent notre cœur de cible. Pour pouvoir industrialiser le Tundra et nos process, nous avons souhaité avoir un tronc commun le plus standard possible pour nous ouvrir à un maximum de marché. Ensuite, en fonction de ce que les utilisateurs finaux souhaitent, les intégrateurs apporteront des briques technologiques particulières qui permettra de rendre le Tundra spécifique.
Donc le Tundra sera vendu sous deux formes ?
Tout à fait, il y aura une version RTD « Ready To Develop », déjà montée et prête à intégrer, et une version RTD en kit, à assembler avant de débuter l’intégration. Pour chaque version le client pourra choisir le type de bras en configuration X4 qui lui convient :
- Les bras « Urbain » : configuration légère idéals pour le vol en agglomération S3 (limité à 2kg d’emport suivant la batterie).
- Les bras « Endurance » : Dans cette configuration le Tundra peut emporter une charge utile pouvant aller jusqu’à 4 kilos. Par exemple, avec une charge de 1,5 kg vous pouvez voler 50 minutes avec une batterie 6S 30A.
En configuration Endurance comme en configuration Urbain, le Tundra a obtenu l’homologation de la DGAC lui permettant de voler en/S2 et S3 (captif et non captif), sous réserve d’installer les modules de secours.